Tu n’as pas le niveau.

Cherche partenaire(s) pour former un groupe

Dans ma découverte du hip-hop, j’ai développé une réelle appétence à apprendre davantage sur le Popping. Nous avions pour habitude à mon école de proposer…Non en fait, c’était obligatoire 🙂; un show tous les 2-3 mois. L’exercice demandait à ce que nous constituions librement nos groupes et que nous fassions une représentation avec pour seule contrainte, le nombre de styles de danse imposés. Pour l’occasion, nous ne devions en choisir qu’un parmi les quatre principaux (Locking, Hip Hop freestyle, Popping et House). J’étais très enthousiaste à l’idée de me challenger à faire un show entièrement en Popping. 

[Je parle ici de challenge, car le Popping est l’un des styles qui demande une grande conscience et maîtrise du corps. Danse funk style californienne qui a été popularisée par le groupe légendaire Electric Boogaloos, le popping a pour principe, en très peu de mots, de synchroniser sa danse avec le pop qui correspond à la contraction/décontraction du muscle sur le beat.]

Je décidais donc de sortir de ma zone de confort et de partir à la recherche soit d’un groupe déjà formé ou d’une personne qui serait intéressée pour faire ce fameux show avec moi. À cet instant, je n’avais pas imaginé que cette première étape allait me demander beaucoup. D’une part, parce que depuis le début de l’année, mes interactions avec les autres étaient moindres et je n’avais pas pour habitude de “démarcher” pour constituer un groupe (ne restant qu’avec ceux avec qui j’avais des affinités). Mais le plus fou, c’est que vraiment personne dans ma classe ne voulait se tester à un show entièrement en Popping et puis bon, je n’avais pas forcément envie de le proposer aux deuxième années, le taux de cortisol dans mon sang étant déjà assez élevé par le simple fait de m’imaginer faire ce show. Bref ! Je finis par trouver un groupe déjà formé et décide donc de voir en aparté avec chacun des membres si elles accepteraient une nouvelle recrue dans leur équipe. Dès le départ, je n’avais pas senti la première emballée plus que ça à cette idée, ce qui, jusque-là, pouvait être compréhensible. Bien qu’elle ne me l’ait pas dit directement, elle me fit part qu’elle opterait pour le choix du groupe et me convia à en discuter avec les autres membres […] “Je ne suis pas certaine que tu seras à l’aise avec ce que nous souhaitons faire… Que tu arriveras à suivre… Il ne faudrait pas qu’on se fasse allumer par la différence de niveau” me dit la seconde, derrière un sourire embarrassé. Outch !

Touchée, coulée !

Je vous passe les détails de cet instant de gêne. J’ai juste répondu que c’était ok, mais alors si je vous dis comment sa réponse m’avait frappée ! C’était comme si elle venait de me gifler avec ses mots ! J’étais partagée entre lui répondre et lui faire mal à mon tour ou faire le choix de la paix. Mais pour parler en toute sincérité, je n’ai fait aucun des deux choix, car mon ego avait pris un énième coup et l’urgence était de calmer la faille dans mon état d’esprit qui venait de s’agrandir. 

“Comment, ELLE, particulièrement, pouvait-elle me sortir ça !? A-t-elle eu les oreilles bouchées aux derniers retours de mes profs en Popping !? Elle vient me parler, À MOI, de niveau !? Elle est sérieuse là !?” (Parce que bien évidemment qu’il fallait bien regonfler ma confiance et mon estime qui venaient d’être bafouées). Je suis entrée dans une boucle négative dans laquelle j’ai ruminé ces phrases toute l’après-midi. Tellement que j’ai perdu l’envie de suivre mon programme d’entraînement que j’avais pourtant planifié. Il était évident que j’aurais préféré qu’elle me dise “non” au lieu de me délivrer le fond de sa pensée. Certains diront peut-être qu’elle a fait preuve d’honnêteté, et puis, si ça trouve elle n’avait même pas réalisé à quel point ça m’avait blessée. En fait, je crois que c’était bien la première fois que je me trouvais face à un jugement négatif sur mes aptitudes en tant que danseuse et j’avais été totalement désarçonnée.

Le jugement 

Ce n’est jamais plaisant de recevoir une critique, déjà lorsque l’opinion n’a pas été sollicitée, mais encore moins lorsque celle-ci n’est pas justifiée et qu’elle est teintée de condescendance.

Alors oui, clairement, mon ego a été en ligne de mire, car lui qui s’était accoutumé aux compliments et à la reconnaissance, n’avait pas laissé place à cette critique qui portait sur un sujet qui lui était aussi sensible. Depuis que j’ai fait le choix de la professionnalisation, je n’avais jamais accumulé autant de doutes sur ma danse. De plus, tout au long de cette année de cursus mon corps et mon esprit ont été constamment éprouvés et en conflit.

Alors, bien évidemment que je savais que malgré mes progrès notables dans ce style que j’affectionnais, j’avais encore à travailler et à apprendre. J’étais assez lucide sur là où j’en étais et je l’étais tout autant sur ce que j’étais capable d’apporter. Mais dire clairement que je risquerai d’abaisser le niveau du groupe a été la partie de l’échange qui m’était restée au travers de la gorge.

Je n’arrivais pas à comprendre comment j’avais pu être jugée aussi rapidement sur mes capacités surtout dans un environnement tel que celui-ci. On ne se connaissait pas plus que ça et nous n’avions jamais dansé ensemble.

À cet instant, je ne le savais pas encore, mais en plus de la critique, j’expérimentais le rejet et quoique ce ne fût pas agréable, je me suis rendu compte que je devais apprendre à faire la paix avec ce sentiment le plus tôt possible.

Le rejet ? C’est la base !

Comme dans chacun de mes articles, je souhaite vous inviter à voir dans une situation déplaisante aux premiers abords, une épreuve formatrice pour notre quotidien.

L’art est subjectif. C’est une expression que nous entendons très souvent et que nous avons sûrement dû utiliser à tout-va, sans s’attarder sur ce qui se cache derrière cette phrase. L’appréciation que nous pouvons avoir de l’art est influencée et interprétée par nos expériences personnelles, nos émotions, notre culture… En fait, tout ce qui fait que nous sommes des êtres à part entière. Dans notre société actuelle, la recherche de l’approbation des autres est souvent profondément ancrée dans nos interactions. De manière inconsciente, nous sommes constamment dans un rapport de séduction avec l’autre et pour éviter d’être jugés ou exclus, nous pouvons être amenés à adopter des comportements qui ne correspondent pas à notre véritable personnalité ou à nos aspirations. Et c’est exactement sur ce point que je souhaite insister avant de finir ce chapitre.

Faire face au rejet est une occasion qui nous pousse à réfléchir sur qui nous sommes vraiment et ce que nous valorisons. C’est aussi une opportunité d’embrasser notre authenticité et de la faire valoir même dans l’adversité. Faire face au rejet nous amène à explorer d’autres possibilités auxquelles nous n’aurions pas pensé et qui nous correspondent mieux. Accepter le rejet, c’est accepter notre individualité, la respecter et l’honorer.

Quel que soit ce que vous entreprendrez dans votre vie, plus vous assumerez qui vous êtes, plus vous attirerez des personnes avec qui ça matchera naturellement et plus à l’inverse, vous allez en révulser d’autres. N’est-ce pas plus satisfaisant de se concentrer uniquement sur ce qui compte ? En ayant conscience de cette dualité qu’impose le fait d’être nous-même, il est possible pour nous d’accueillir ces critiques qui nous font grandir. Nous pouvons aussi attribuer au rejet le rôle d’un catalyseur puissant qui participe à notre croissance et nous aiguille dans le chemin de l’acceptation de soi. 

Update : au final, j’ai fait un show en House avec des compagnes de route hors pair où nous avons laissé nos univers s’exprimer. Ça a été le kiff total !